Si, comme moi, vous êtes adepte de  mystères mystiques et autres bons plans ésotériques et occultes (au choix appel des esprits, incantation en latin et amulette de sorcière des marais) je pense que l’histoire de Maître Philippe pourra vous titiller l’oreille. Et comme Le Point -et l’Express- ont déjà fait leurs dossiers spéciaux Franc-maçons vs Illuminati, il ne me reste plus que cela.

Je connaissais cette histoire et j’avais eu l’occasion de me rendre compte qu’elle comptait une littérature énorme.
Lyon étrange et les Mystères de Lyon ont tous une petite double page sur Maître Philippe ou Monsieur Philippe, les sobriquets donné à Nizier Anthelme Philippe, né en Savoie en 1849.

Je m’étais donc rendue au cimetière Loyasse l’an dernier, et y avait rencontré l’une des ses brebis, qui, selon elle, se rendait plus de deux fois par semaine sur sa tombe. Maître Philippe l’avait sauvée, plusieurs fois et même ressuscitée, alors qu’elle était « en état de mort cérébrale ». Et la voilà devant moi, me questionnant sur mes lectures, testant mes connaissances sur le maître et ses accomplissements divins.

Sa tombe (ainsi que celle de sa fille et de son gendre) toujours fleurie

Une histoire peu commune de guérisons miraculeuses

Thaumaturge, envoyé de Dieu, l’homme s’est rapidement fait connaître à Lyon pour des miracles inexpliqués, des guérisons incroyables, où il n’avait pas même besoin de toucher la blessure ou de rencontrer le malade. Tumeurs, méningites, crises d’épilepsie, tout y passe.

Autour de lui à l’époque, la ferveur est immense : dans les écrits (qu’il faudra prendre avec des pincettes puisqu’ils émanent de ses disciples) on parle de messes gigantesques devant des centaines de personnes à son officine rue tête d’or. On vient pour écouter les bonnes paroles du maître, mi-prêtre, mi-médecin, dont discours sont tout à la gloire de la sainte trinité. Un évangile aujourd’hui retranscrit dans un livre.

Il faut dire que l’homme est extrêmement pieux et croyant. Son pouvoir de guérison lui viendrait directement de dieu, dont il n’est qu’un sujet qui doit garder toute son humilité. Pour certains, une véritable réincarnation de jésus : d’ailleurs, ces parents ne s’appelaient-ils pas Marie et Joseph ?

Des plaques pour remercier un homme mort en 1905 : c'est osé.

Mort en 1905, Maître Philippe pourrait être l’un de ses allumés oubliés au fin fond d’un vieux cimetière. Mais le vieux bougre est bel et bien vivant. Sa tombe, dans l’allée centrale du cimetière Loyasse est toujours fleurie. Soit disant qu’il ferait encore des miracles : les plaques neuves en marbre l’attestent.

Un mystère Lyonnais encore bien vivant

Le dimanche des rameaux aurait alors été choisi par Maître Philippe lui-même pour journée de commémoration. Mégalomane ? Pas tellement. A 14h, plus d’une centaine de personnes étaient attroupées devant la tombe. Je m’attendais à un flot de personnes âgées un peu séniles, un peu mourantes. Au lieu de cela, des jeunes dans leur trentaine, des couples d’une cinquantaine d’années (et bien entendu, une bonne floppée de personnes à l’âge avancé, restons lucides).

Une sorte de messe, à la gloire du « maître », celui qui les accompagne et accomplit des « grâces » si l’on lui demande. Dans la foule, nombreux sont ceux à ne pas retenir leurs larmes. L’ambiance est surréaliste. Maître Philippe, plus de 100 ans après sa mort, serait toujours une épaule compatissante, un envoyé céleste qui ferait des miracles depuis le fond de sa caisse en bois.

Ferveur populaire lors de la messe commémorative de maître Philippe, le dimanche 1° avril 2012

On récite des passages de ses écrits, très orientés humilité et don de soi à la sauce catholique. Comme une messe en plein air où l’on se rappellerait un défunt ami très pieu qui nous manque.

La véritable secte dont j’imaginais seulement les contours existe bel et bien et prend la forme de cette foule compacte et attentive. Les larmes roulent toujours. Certains déposeront des rameaux peut-être en gage de leur bonne fois et pour être sur que l’on ne les oubliera pas lors de leurs prochains maux.

Entre ésotérisme et folie partagée, difficile de ne pas se sentir gêné devant cette ferveur populaire. Surtout lorsque l’on n’est pas catholique et loin d’être habitué à ce genre de messe. Alors discrètement on s’éclipse, pour laisser entre-eux ceux qui croient aux miracles de cet homme.

Un véritable messie Lyonnais, qui semble avoir encore du travail pour de nombreuses années encore.

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