Immobilier, bourse, investissements… sur Youtube, les chaînes sur lesquelles on nous promet d’être riche et indépendant financièrement sont pléthore, le plus souvent accompagnées de tout un panel de stratégies marketing à base d’emailings, de webinaires et d’offres de formation.
Les personnalités qui ont financièrement réussi leur vie ou et qui nous expliquent comment le faire à notre tour ne sont pas nouvelles, en témoignent les nombreux livres de Warren Buffet (89 ans, 62 milliards de fortune personnelle).
Mais depuis quelques années, c’est sur Internet que tous ces nouveaux prophètes se retrouvent, tout particulièrement sur Youtube, et également sur Instagram, où l’on peut glaner, à l’infini, des conseils pour s’enrichir. Non attendez, des conseils pour « être indépendant financièrement », c’est à dire en langage du quotidien quitter le monde du salariat, et engranger des revenus passifs (grâce à des investissements).
La phrase la plus entendue ? Ne travaillez pas pour de l’argent mais faites travailler l’argent pour vous !
Moi la première, ces vidéos et ces influenceurs me font de l’effet et j’ai passé des dizaines et des dizaines d’heures à écouter leurs conseils et à regarder leurs présentations.
Depuis de nombreux mois, ce sont des sujets qui me passionnent (plus concernant l’immobilier locatif que la cryptomonnaie vous le verrez vite dans mes exemples) et c’est sans aucun jugement arrogant que je me lance sur ce sujet. Simplement qu’il s’agit d’un monde à part, comme celui de l’ASMR ou des youtubeuses beauté, qui demande à ce qu’on s’y penche si l’on en a jamais entendu parler, tant il est riche et bien ordonné. J’y ai appris des choses, j’y ai changé mon état d’esprit, j’ai vu des chemins de vie orignaux.
(Sur le sujet d’ailleurs, les Echos ont sorti un article un peu plus large sur les rentiers à 40 ans et le mouvement FIRE, pour Financial Independence & Retire Early)
J’y ai ai également trouvé un moyen de me former à une information que je considère encore aujourd’hui réservé à une certaine frange de la population. Issue moi-même d’une famille tout à fait classique, sans beaucoup de biens ni de moyens, on ne m’a jamais enseigné d’investir mon argent. On m’a surtout dit d’être heureuse et de faire un travail qui me plait. Pour moi, pendant longtemps, l’argent devait nécessairement venir de mon temps de travail et je crois que c’est une caractéristique forte de la classe populaire et de la classe moyenne. Personne ne m’a jamais appris qu’il fallait investir, en tout cas, que c’était possible et que cela pouvait rapporter.
Etre indépendant financièrement, prendre sa retraite plus tôt, sortir du rat race (c’est à dire cette course à la réussite jusqu’à la potentielle retraite à 65 ans en espérant profiter de sa vie à ce moment là) : autant de concepts qui attirent de plus en plus de jeunes actifs depuis plusieurs années et qui sont au coeur de la promesse des youtubeurs spécialiste de l’investissement.
Alors sur ces chaînes youtube d’investisseurs, sur ces comptes Instagram et dans ces emails envoyés chaque semaine sur ma boite email par des sortes de prophètes de l’investissement, les premiers temps, bien évidemment, on apprend des choses en tant que newbie et la plupart de ces chaînes sont une mine d’or quand on part de zéro.
Les premiers temps, seulement.
Parce que quand on creuse le vernis (doré, évidemment), on se rend compte que la recette tourne un peu en rond…
Un gourou crédible pour appâter les débutants
Quand on commence à s’intéresser aux sujets généraux de l’investissement, plusieurs grandes thématiques ressortent : l’investissement immobilier, l’investissement en bourse, l’investissement dans les cryptomonnaies. Et dans chacun de ses sujets, d’autres branches de thématiques, qui peuvent aller à l’infini ou presque et dont il est impossible d’en obtenir l’entièreté du savoir.
Un gouffre effrayant qui donnerait envie de s’arrêter avant même de démarrer…
Quoi de plus rassurant que de suivre un gentil guide pour y voir plus clair ?
C’est en tout cas la recette facile qu’appliquent ces youtubeurs investisseurs et influenceurs pour nous donner envie de les suivre les yeux fermés. La technique initiale est ancienne, largement utilisée en webmarketing : donner de l’information gratuite accessible intellectuellement au plus grand nombre mais néanmoins largement recherchée puis rendre ensuite payante l’information spécifique qui ne serait partagée et connue que des initiés.
Le but ? Appâter les débutants en laissant croire que l’on maîtrise entièrement un sujet pour les inciter à acheter un service / une formation.
Business model tout à fait louable mais qui entraîne malheureusement un biais sur Youtube : les vidéos sont quasiment toutes les mêmes, répondant aux mêmes interrogations de débutant, et toujours avec des réponses en surface !
Des copy-cat de copy-cat qui tournent toujours autour du pot au bout de quelques heures de visionnage, simplement pour rassurer le chaland sur leurs capacités à être un bon investisseur et de ce fait à délivrer de bons conseils.
Un exemple ? Appliquer la méthode basique du SEO : dans une thématique donnée (ici l’investissement locatif) regarder les volumétries de recherche les plus importantes dans ce topic et produire du contenu « evergreen » (toujours d’actualité / toujours vert) en espérant se positionner sur les moteurs de recherche (et notamment sur le moteur de recherche youtube également) sur ces sujets largement recherchés.
Ici, on peut voir que la requête « investir sans apport » (c’est à dire investir sans mettre d’argent sur la table, on parle également d’investissement à 110% voire à 130%) fait partie des plus recherchés.
Chacun va alors produire un (ou plusieurs) contenus dédiés aux débutants qui recherchent de l’information sur le sujet.
Très souvent, c’est à ce moment, quand vous commencez à maîtriser un peu le sujet (disons, les grandes lignes) que vous allez froncer du nez. Evidemment, personne n’est censé posséder l’exhaustivité de l’information sur ces sujets, mais un certain niveau de connaissance semble indispensable pour pouvoir former d’autres. Et pour certains, ce niveau de compétences s’avère au final particulièrement léger et superficiel : chaque vidéo ou presque raconte sensiblement la même chose, sans vous apporter une réponse intéressante ou exhaustive. Chaque internaute ayant soif d’investissements recherche la recette magique mais la recette magique n’existant pas, vous risquez de tourner autour du pot longtemps. Le but ultime, vous l’aurez compris, étant de vous faire croire que la réponse sera dans la formation payante 😉
(la réponse est que oui on peut investir sans apport, mais il faut un bon dossier, de l’épargne disponible équivalente a minima aux frais de notaire, et un dossier à présenter au banquier avec un vrai business plan derrière.)
Plus c’est gros plus c’est bon : les gros chiffres comme preuve de réussite
L’un des gros points communs de ces investisseurs : montrer son gros engin. Plus c’est gros, plus c’est bon ? L’étalage d’une potentielle fortune est la norme. Revenus mensuels, patrimoine immobilier, nombre d’appartements ou encore cashflow mensuel (c’est à dire le cash réellement entré dans votre poche déduit de toutes vos charges mensuelles liées à l’exploitation de votre appartement) sont étalés sans vergogne, sortes de titre putaclics qui m’attirent à chaque fois.
Oui encore une fois : je suis droguée de ces contenus. Séminaires, discussions live entre investisseurs-stars, vidéos youtube : pas une semaine sans que je ne soit happée dans ce vortex. Et les chiffres étalés en sont les meilleurs hameçons.
Au début, on est subjugué. Un type, quasi au smic dans un job qui l’exècre, gagne maintenant 2000€ grâce à des investissements locatifs. Un couple qui, en 4 ans, possède 900 000 euros de parc immobilier.. Un autre qui enchaîne, sans vergogne, les crédits immobilier à seulement 28 ans. Un nouveau monde, un nouvel eldorado pour la jeune femme moyenne qui se posait déjà beaucoup de question sur le travail, la servitude, le but de l’existence, bref la crise de la trentaine (amorcée déjà à 25 ans avec une belle crise existentielle à la fin de mes études, comme nombre d’entre nous)
Un très bon moyen pour ces influenceurs-investisseurs de subjuguer le client qui s’exclame à lui-même « oui, un autre monde est possible ! ».
Et s’ils préfèrent parfois rester eux-même discrets sur leurs propres chiffres, ce sont alors les chiffres de leurs clients (ceux qui ont acheté leur formation) qui sont révélés en guise de preuve et tout est fait pour nous en mettre plein la vue.
Le mot d’ordre de ces influenceurs investisseurs : la crédibilité ! Cela passe par un savant mélange d’étalage de réussite crédible, de quelques chiffres montrant que vous êtes à la hauteur, mais aussi de beaucoup de charisme
Bien évidemment, les petits esprits contradicteurs que nous sommes commencent peu de temps après à souffler sur ces paillettes.
A y regarder de plus près, tel Youtubeur qui se proclame investisseur en immobilier ne possède en réalité que 2 appartements, tandis que le fameux parc immobilier de près de 900 000 euros correspond en réalité surtout… à 900 000 euros de crédit bancaire sur 25 ans, dont seul les intérêts d’emprunt ont été pour l’instant remboursés, grâce à la fameuse méthode du différé d’amortissement d’emprunt.
Et celui qui gagne 900€ de cashflow sur son appartement ? Bizarrement, il fait encore des travaux et ne l’a pas mis en exploitation, ce sont les chiffres prévus de l’année prochaine ma bonne dame !
Beaucoup de poudre aux yeux donc : rapidement, ce petit monde des investisseurs semble vouloir nous faire penser que faire de l’argent différemment est à la portée de n’importe qui. Et comme nous sommes justement tous n’importe qui …
Humaniser et créer un story-telling : la télé réalité des investisseurs sur Youtube
Mais alors, qu’est ce qui différencie ces influenceurs des innombrables livres et guident qui existaient sur le marché ? Tout bêtement l’humanisation et le story-telling. Chaque vidéo incarnée permettent de créer une proximité, de faire croire que nous regardons de « vraies » histoires, de vraies expériences de vie, voire même de découvrir les coulisses et les petits secrets. Je ne vous apprend rien en vous disant également que la force de la vidéo y est pour beaucoup : elle a la tendance, par le medium vidéo lui-même, de donner l’impression d’une authenticité plus forte (ce n’est pas par hasard si nous sommes happés par les stories).
Nous avons besoin chaque jour de notre petit biberon de vrai, d’authentique et quoi de mieux qu’une information personnifiée, incarnée, pour cela ?
Les meilleurs candidats sont alors ceux qui personnifient au mieux le self made man : le type (car il y a peu de femmes…) qui ne part de rien, français CSP – ou français moyen et qui a monté un empire en investissant. Un storytelling très fort pour, à la manière américaine, nous montrer que tout est possible.
Ces influenceurs investisseurs ont tout de même une particularité : devoir prouver qu’ils sont assez crédibles pour rester dans la course. Et cette crédibilité passe à la fois par les résultats, réels ou supposés, de leur différents investissements réussis : certains n’ont pas peur de montrer en stories sur instagram leur comptes pour nous prouver leurs entrée d’argent ou leurs actes de vente… (oui, ça va très loin)
Autre technique très reality-show : montrer que l’on est copain avec d’autres influenceurs à grand coup de vidéos-interview et d’échange de visibilité. Fonctionne pour les petites chaînes qui veulent se lancer et devient très risible quand on voit le même youtubeurs sur 10 chaînes différentes racontant son parcours voire encensant la formation qu’il vient de souscrire chez son copain influenceur-investisseur.
Sans compter également que cette crédibilité se gagne par le charisme, une constante essentielle.
Malheureusement, c’est bien là où souvent, le bât blesse.
Sans charisme, point de salut : tout le monde n’est pas fait pour réussir sur Youtube
Youtube est impitoyable. Combien de fois avez-vous regardé une vidéo en vous sentant très très mal pour son protagoniste ? Moi très souvent (et entre nous j’adore ça mais c’est encore un autre sujet). Et d’autant plus quand la personne se positionne comme un expert et un spécialiste, j’en deviens d’autant plus intraitable. La moindre erreur m’énerve. Mauvais cadrage, mauvais éclairage, mauvaise élocution, mais aussi difficultés à résumer sa pensée ou tics de langage m’agacent et me rendent dingue.
La conclusion est sans appel : si vous avez des connaissances, mais pas beaucoup de charisme, s’il vous plait, arrêtez le désastre. Tout le monde n’est pas fait pour être un influenceur, d’autant plus sur le sujet de l’investissement (financier, immobilier, boursier) où il faut également maîtriser son sujet et savoir le transmettre aux autres. Le charisme, qui ne s’arrête pas à l’aspect physique, est une caractéristique essentielle et n’est pas, contrairement à ce que l’on pense, facile à acquérir. Car si savoir raisonner à l’oral, rendre ses idées intelligibles peut s’apprendre, il en demeure qu’il faut pour savoir savoir d’abord prendre du recul, ce qui n’est pas à portée de tout le monde.
Pour aller plus loin : comprendre la notion de charisme, notamment sous le prisme de Weber
On peut avoir (ou laisser penser que l’on a) beaucoup de connaissances sans se sentir obligés de devenir un homme (ou une femme) de Youtube non ?
Mais non, tout les apprentis prophètes investisseurs semblent tous vouloir suivre la même voie, sans essayer de sortir leur épingle du jeu, de s’adapter à leurs compétences propres. Chacun se copie, indéfiniment, avec un sale goût de déjà vu dans 95% des cas (sauf ceux ayant réellement des qualités pour être sur la plateforme).
L’appel de Youtube était trop fort !
Séparer le bon grain de l’ivraie : les 3 types de figures classiques que l’on retrouve sur Youtube et Instagram
-
-
- le bouffon : a investit 150€ sur des actions TOTAL et a acheté un appartement dans la ville de sa grand-mère et s’auto-proclame maintenant investisseur indépendant financièrement. Raconte des vérités vues et revues et n’apporte rien de neuf.
- l’homme qui aurait du rester à l’ombre : il semble connaitre son sujet mais ne possède aucun (ou presque) charisme ce qui ne rend pas son discours attractif. Souvent, il ne maîtrise pas les codes classiques de Youtube
- le commercial vendeur d’aspirateur : on y croit quelques semaines et puis après, franchement, on voit bien qu’il n’est là que pour nous vendre une formation beaucoup trop chère pour ce qu’elle est.
-
La 4ème figure, c’est celle qui vous apporte une plus-value, au moins un temps : à vous de piocher et de les trouver lors de vos recherches.
On dissèque la méthode
Tous ces Youtubeurs (ou presque) spécialistes de l’investissement proposent le même type de contenu et avec les mêmes stratégies, à l’infini, avec le même business model :
- Faire quelques (ou beaucoup) d’investissements
- En ressortir quelques bonnes méthodes
- Proposer une formation payante
- Rédiger et produire du contenu evergreen sur les principales thématiques de débutant pour attirer le chaland
- Se positionner en expert crédible
- Construire un personnage humain, accessible, charismatique et jouer la proximité tout en montrant la réussite (la balance est complexe)
- Faire croire que l’information donnée est une information d’expertise alors qu’elle n’est inconnue que des nouveaux entrants sur le marché
- Trouver des canaux de diffusion : emailing, séminaires en présentiel, webinaires, youtube et instagram
- Option : faire des échanges de visibilité lorsque l’on démarre en se faisant inviter sur des chaines un peu mieux installées que la sienne. Là, le youtubeur raconte son expérience d’investisseur…
Avec de très belles réussites et d’autres… bien plus anecdotiques voire carrément médiocres
Quelques exemples chaînes youtube pour mieux comprendre le sujet
Intentionnellement, je ne m’amuserai pas à classer ces chaînes en fonction de mes propos ci-dessus.
Mais voici quelques chaînes youtube sur le sujet des investissements immobiliers mais également plus largement sur la finance au quotidien (investissements boursiers notamment), qui ont jalonné mes nombreux visionnages ces derniers mois : à vous de juger dans quelles catégories les ranger !
Esprit Riche, de Michael Ferrari
Christopher Wangen
Yann Darwin
Damien Lahmi
Maxence Chabbert
Olivier Seban
Les Revenus Autrement d’Audrey Perrin
Théophile Eliet
Je mettrai cette petite liste à jour au fil des mois (elle est loin d’être exhaustive vis à vis du nombre de chaînes que je regarde chaque semaine)
Et je ne vous parle pas des nombreux webinaires, emailings et podcasts… Le sujet est sans fin, un vortex de vidéos, de stories et de séminaires en ligne, où règnent, sur un empire en constuction permanente, des dizaines de prophètes et de gourous de l’investissement financier.
6