Alors que Larry Clark vient d’être récompensé pour l’ensemble de sa carrière au festival du film américain de Deauville et que son film français, Smell like Us, sortira dans les salles en 2014, je me suis dit que c’était l’occasion de sortir de son dossier poussiéreux mon mémoire sur Larry Clark.
Je crois que j’ai découvert Larry Clark dans l’émission Tracks lors de la sortie de Ken Park, en 2003.
J’avais 14 ans à l’époque et après un téléchargement illégal en 512k, j’ai pris le film comme une claque. Ces ados aux vies si différentes de la mienne, mais pourtant si proches de mes propres interrogations, m’ont interpellé.
S’en est suivi le visionnage de Bully, sorti en 2001 puis celui de Kids, qui datait de 1995 et encore d’autres films comme Teenage Caveman, Another Day in Paradise, Wassup Rockers…
Le constat était le même : ces ados paumés, blasés, désabusés remplis d’une rage explosive que seul leur âge peut expliquer, c’était tout à fois ce que j’étais et ce que je voulais être. Comme une écriture universelle des tourments de l’adolescence qui m’auraient sauté au visage sans d’autres explications.
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Quelques années plus tard, j’ai eu l’occasion de réfléchir à nouveau aux problématiques soulevées par Larry Clark à l’occasion d’un travail universitaire.
Et comme il s’agissait de s’interroger sur les écritures du réel et les écritures de fiction, le sujet s’est imposé de lui-même : Comment Larry Clark avait-il réussi à construire à travers son oeuvre une nouvelle écriture du mythe adolescent ? (oui ceci est le titre de mon mémoire)
La spécificité de Larry Clark est d’alterner fiction et documentaire sans que l’on ne sache véritablement où se trouve la limite. Ses acteurs sont la plupart du temps amateurs, proches de leur personnage (qui est bien souvent une construction à partir de leur propre essence), la majorité des scènes sexuelles ne sont pas simulées et le scénario est construit de faits divers réels et d’expériences de vie menées par Clark ou ses scénaristes (Harmony Korine particulièrement et plus récemment S.C.R.I.B.E), souvent dans les lieux même où se déroulent les films.
NB : Découvrez le superbe documentaire de Thomas Kimmerlin sur le tournage à Paris l’été dernier de « The Smell of Us », en 8 épisodes.
De mon point de vue, Clark a réussi a construire une nouvelle vision de l’adolescence, dans un désir (et il le dit lui même) d’être au plus proche de la réalité et de « parler à la jeunesse »
« Je veux que les Kids se reconnaissent en voyant mes films, c’est très important pour moi. C’est étonnant de constater que la culture américaine est orientée vers la jeunesse, mais qu’elle ne lui parle pas vraiment »
Larry Clark, interview d’Olivier Joyard, Les Cahiers du Cinéma, octobre 2003
Dans son travail que l’on peut qualifier parfois de documentaire sociologique, il a développé les grandes thématiques qui ont bercé l’adolescence, nos adolescences.
La mort, la meute (de potes), le corps et ses changements, le sexe, la famille, la notion de bien et de mal.
Il a aussi réussi à filmer ce temps où l’adolescence se fait et où finalement il ne se passe foutrement rien.
Ces moments qui, à l’âge adulte, nous semblent avoir été une belle perte de temps.
Alors certes, il peut être détesté. De la même façon que le photographe Terry Richardson (dont une pétition en ligne circule actuellement, mais Coco du blog Tendances de Mode vous l’expliquera bien mieux que moi dans son article), Clark a lui aussi été accusé de perversité, filmant des corps adolescents nus et des scènes sexuelles où l’on l’imagine aisément prendre un plaisir non feint.
De nombreux passages semblent aussi n’être là que pour exciter un spectateur scabreux et en mal de sensation, j’en conviens. Et il sans aucun doute dû profiter d’un pouvoir malsain sur ses jeunes acteurs durant les tournages, conduisant parfois à des situations que ses derniers n’avaient peut-être pas envisagé.
Sauf que. On ne m’enlèvera pas de la tête que Clark a mis un grand coup de pied dans l’imaginaire collectif et le cinéma américain, créant un genre inédit qui aura bouleversé toute une génération, toute ma génération.
Si vous voulez aller plus loin, mon mémoire est désormais en ligne et j’espère qu’il pourra entraîner quelques discussions :
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